Enter the Snowflake's lair... Circulation: 197,504,353 Issue: 966 | 12th day of Hiding, Y24
Home | Archives Articles | Editorial | Short Stories | Comics | New Series | Continued Series
 

La rivière empoisonnée - Partie 2


by petitehirondelline

--------

Persil se réveilla en sursaut alors qu’on cognait à la porte. Le soleil était déjà bien haut dans le ciel et la ville était déjà bien animée. Il s’étira, puis se précipita vers la porte. Un timide Cybunny Camouflage l’y attendait, de menues lunettes sur le bout du nez et une pile de documents entre les pattes.

     "J’imagine que tu es Persil? Je m’appelle Muffin. On m’a demandé de t’accompagner jusqu’à la rivière, près de la jonction avec le village de Seaside," dit-elle, en jettant un coup d’œil à ses parchemins. "Apparemment, il y aurait un problème de contamination de l’eau dans les environs?"

     "C’est exact, répondit poliment le Gelert. Je me prépare et nous pourrons nous mettre en route."

     Sur le chemin, Persil expliqua tout ce qu’il avait appris jusqu’à maintenant sur la substance. Il réalisa que c’était bien peu.

     "Pas d’odeur particulière?" interrogea sa collègue.

     "Si, nauséabonde, je dirais. Comme une odeur de fermentation. Et la texture était collante."

     "Oui, c’est sûrement ce qui a causé du tort à tes Mortogs. Ils utilisent leur peau pour respirer. Si une matière collante se fixe sur leur épiderme, celui-ci ne peut sûrement plus accomplir sa fonction de façon efficace, ce qui les affaiblit grandement, surtout lorsqu’ils se trouvent sous l’eau."

     "Tout à fait exact! Tu as étudié la petpetologie?" questionna Persil.

     "Oui, j’ai étudié avec Lillian Fairweather! Elle a participé l’exploration de l’Îlot Perdu avec son père. Elle a ensuite poursuivit ses recherches sur les Petpets et j’ai pu l’accompagner dans ses expéditions," répondit Muffin, visiblement fière.

     Le jeune Gelert estima qui avait donc affaire à quelqu’un de fiable. Il apprécia tout naturellement sa nouvelle amie.

     Ils continuèrent à discuter tout en marchant. En s’approchant de l’endroit où se trouvait auparavant son enclos, Persil fut tout de suite désolé par le triste spectacle que lui offrait le rivage de la petite rivière. Le poison avait fait son chemin pendant la nuit et avait maintenant envahi la végétation. Les quenouilles avaient le profil bien bas, les nénufars étaient fanés et les élodées avaient perdu leur couleur vert tendre.

     Après le prélèvement de quelques spécimens par Muffin, les deux explorateurs entreprirent de remonter la rivière. Ils se mirent donc en route, avançant parmi les buissons et suivant un étroit sentier le long du cours d’eau. Plus ils avançaient, plus l’état de la rivière se détériorait. Ils retrouvaient parfois même des Petpets inanimés sur le rivage. Les deux amis en avaient des hauts-le-cœur.

     Ils débouchèrent bientôt sur un campement de Neopets provenant de la Citadelle de Darigan. Depuis la fin de la Grande Guerre en l’An 4, il a été déclaré par Roi Skarl que les Dariganiens avaient droit de visite sur le territoire de Meridell, à condition de rester pacifiques, bien sûr.

     Persil observa avec méfiance les tentes qui avaient été érigées. Pour lui, la présence de Dariganiens si près de chez lui n’augurait rien de bon.

     Sa compatriote sentit son inquiétude et tenta de le rassurer : "Les gens de la Citadelle viennent souvent s’installer ici pour la chasse. Il n’y a guère de gibier là-haut dans leur forteresse. Ils sont très paisibles en général. Et comme ils consomment dans les tavernes et s’approvisionnent en matériel de chasse dans les boutiques environnantes, la diplomatie méridellienne y trouve bien son compte."

     Persil ne réagit pas. Il avait des souvenirs drôlement différents de sa dernière rencontre avec des Dariganiens. Ils avaient saccagés la boutique de Nanci il y a quelques années. Certains Petpets avaient même été sérieusement blessés lors du drame.

     Ils s’avancèrent dans le campement et jetèrent un coup d’œil à la rivière. À cet endroit, l’eau était complètement opaque! La teinte se rapprochait de l’ébène. La végétation était fortement affectée et quant à la faune… le silence qui régnait aux abords de l’eau – aucun croassement, aucun gazouillis, aucun bourdonnement – en disait long sur son état. Et l’odeur qui se dégageait de la surface de l’eau était bien plus forte. Elle ne semblait cependant pas déranger les Neopets qui s’étaient tout de même installés sur le rivage.

     "Muffin, j’ai l’impression qu’ils sont peut-être la cause que nous recherchons," murmura Persil.

     "Tu crois? Je ne suis pas convaincue," douta le Cybunny.

     Le Gelert interpella un Skeith Darigan qui passait par là et lui demanda si l’odeur de le dérangeait pas.

     "Quelle odeur?" lui répondit le Skeith, aussitôt distrait par un petit Korbat Fantôme qui venait lui demander de l’aide. Il continua à vaquer à ses occupations et oublia le commentaire du Gelert.

     Persil, prenant Muffin à part, lui chuchota : "Tu vois, ils ne s’en rendent même pas compte, parce que l’odeur vient id’eux/i! Ils y sont habitués!" Mais sa compatriote demeura dubitative.

     Ils continuèrent de se promener parmi les tentes et les installations temporaires. Ils arrivèrent finalement à un grand espace dégagé. L’endroit désert semblait avoir été piétiné par de nombreuses personnes récemment. Le sol était jonché de déchets de toute sorte. De nombreux Vullards se trouvaient sur place, picossant et lançant les rebuts dans les airs pour s’amuser.

     "Regarde comme ils laissent leurs détritus souiller l’environnement. Regarde comme ils agissent comme des bêtes. Tout ça est dégoutant," lâcha le jeune Gelert.

     Passant son chemin sur cette scène de désolation, ils entreprirent d’aller observer la rivière plus attentivement. Quelle ne fut pas leur surprise lorsqu’ils virent un Kacheek Halloween qui travaillait dans un petit atelier envahi de petits pots en terre cuite déverser un seau plein d’une substance brune et épaisse directement dans la rivière!

     "Mais qu’est-ce que vous faites, vous contaminez l’environnement!" l’apostropha Persil.

     Le Kacheek ne répondit pas et le regarda, n’ayant visiblement aucune idée à quoi il faisait référence.

     "Cette substance que vous avez jeté dans la rivière, elle pollue et tue la faune et la flore!" continua-t-il.

     "Que se passe-t-il ici?" questionna le Skeith Darigan aperçu plus tôt. "Je m’appelle Jedder, je suis le chef de notre petite bande. S’il y a un problème, venez m’en faire part, n’importunez pas les membres du groupe, s’il-vous-plaît."

     "Eh bien, figurez-vous que oui, il y a un problème! Vous devez arrêter de polluer tout de suite!"

     Jedder le dévisagea un instant puis rétorqua poliment : "Que voulez-vous dire?"

     Persil commençait à s’énerver. N’était-il pas évident que la rivière allait mal? N’était-il pas évident que leur comportement rendait l’environnement malade?

     "Oh la rivière? Ce n’est pas nous qui avons causé son changement de teinte. Elle était déjà couleur cacao à notre arrivée. Mais nous n’avions pas l’intention d’utiliser l’eau de la rivière pour quoique ce soit, nous utilisons plutôt l’eau de pluie, de toute façon. La rivière nous est malgré tout utile pour nous déplacer en chaloupes, nous avons donc décidé de nous installer sur la berge malgré tout."

     Le jeune Gelert n’en croyait pas ses oreilles de ces mensonges! Il contenu malgré tout sa frustration et passa son chemin. Il décida d’aller observer l’état du cours d’eau plus en amont. Il quitta donc le campement en compagnie de Muffin.

     "Tu sais, il disait peut-être la vérité," suggéra-t-elle, en rajustant ses lunettes. "Rien ne prouve qu’ils soient vraiment la cause de tout ça."

     Persil ne répondit pas, perdu dans ses pensées.

     Ils traversèrent un petit bois, puis retournèrent observer les abords de la rivière. Ce qu’ils découvrirent les stupéfia. L’eau, de ce côté-ci, était complètement limpide. Quelques Primellas se poursuivaient entre les algues. Un Draphly se prélassait au soleil, posé sur un roseau. Rien de la catastrophe écologique ne transparaissait ici.

     Il n’en fallu pas plus pour convaincre le Gelert. Il fit vivement demi-tour et retourna au campement. Muffin avait bien vu sa colère et le poursuivi en protestant, mais rien n’y fit. Persil arriva au village et claironna : "Il faut faire cesser toute cette pollution!"

     Les Dariganiens qui passaient près de là le regardèrent, perplexes. Jedder l’entendit clamer de loin et se précipita pour intervenir.

     "Mais que se passe-t-il encore?" grinça-t-il.

     "L’eau est tout à fait claire en amont du camp, ce qui signifie que la pollution provient bel et bien de votre campement," expliqua Persil.

     Le Skeith sembla agacé, mais tenta de garder son calme. Il articula lentement : "Écoute, je ne sais pas d’où l’eau brunatre provient. La saison de la chasse ne fait que débuter, nous venons tout juste de nous installer ici il y a peu de temps."

     "Mais la substance n’est apparue qu’il y a quelques jours, elle aussi!" s’exclama Persil.

     Le galop d’une monture se fit alors entendre et Illusen apparut sur son Whinny surdimensionné, toujours aussi élégante. Elle interrompit la discussion : "Bonjour messires!" dit-elle joyeusement.

     Jedder parut impressionné par son apparition soudaine.

     "Que nous vaut votre visite, Fée Illusen?"

     "Je viens pour la substance brune qui envahit la rivière. Elle cause des dommages irréparables à la faune et à la flore et cela doit être réglé au plus vite."

     Le grand Skeith, l’air bien penaud devant la grande Fée balbutia : "Mais nous n’y sommes pour rien, Dame Illusen."

     "Je m’en doute bien!" répondit-elle, à la surprise générale. Jedder parut bien soulagé par sa réponse.

     "Mais Dame Illusen, ils sont crasseux pourtant! protesta Persil. Ils ne se rendent même pas compte de l’atroce odeur qui se dégage de la rivière!"

     "Oh, mais la majorité des habitants de la Citadelle ne perçoivent plus bien les odeurs nauséabondes depuis la Grande Guerre de l’An 4 nous opposant à Meridell. Il y a vingts ans, les catapultes méridelliennes projetèrent sur l’îlot flottant de la Citadelle des tas de fumier provenant d’élevages de Zebies. Malgré tous nos efforts pour nettoyer les rues, les toits et les habitations affectées, une odeur horrible restait suspendue dans l’air. Pendant des semaines, nous avons vécu dans cette pestilence constante, jusqu’à ce que finalement nous n’y soyons plus sensibles."

     "Très bien, concéda le Gelert. Mais une multitude d’ordures sont éparpillées sur la grand’place un peu plus loin. Certaines d’entre elles ont pu tomber dans la rivière et la contaminer."

     "Nous avons effectivement eu un grand festin à cet endroit hier soir," raconta Jedder, tout en marchant vers l’emplacement en question. "La fête s’est terminée tardivement et nous avons ramassé à la hâte nos rebus. Malheureusement, de vilains Vullards sont venus s’amuser dans les corbeilles et ils ont tout dispersé! Mais l’intendant de la propreté s’est attelé à la tâche et tout rentrera dans l’ordre sous peu."

     Au même moment, ils arrivèrent à la grand’place et constatèrent que le nettoyage et le triage était déjà en cours par un petit et vif Grundo Darigan. Celui-ci se redressa et salua Jedder avant de continuer sa tâche, voletant d’un côté à l’autre en transportant divers déchets.

     "Vous séparez même les matières putrescibles de celles qui sont réutilisables! C’est impressionnant, s’exclama Illusen. J’essaie encore de convaincre les cuisiniers du Roi Skarl d’appliquer des règles de base en matière de gérance des résidus de table," ajouta-t-elle avec un soupir.

     "Nous avons peu de ressources sur l’îlot de la Citadelle. Nous nous devons d’en prendre soin!" répondit le Skeith.

     "Et la substance brune que quelqu’un a rejeté dans la rivière?" risposta une fois de plus Persil.

     "Ce devait être Zobie, un Kacheek Halloween? Elle est notre potière. Elle fabrique des pots en terre cuite. Elle a dû vider son seau d’eau boueuse juste après sa fournée. Ce n’est qu’un peu de terre mélangée à de l’eau, rien de dangereux, je vous assure," expliqua Jedder.

          "D’accord, mais comment expliquer que l’eau soit limpide tout juste en amont du camp alors," protesta le jeune Gelert, qui se sentait de plus en plus gêné.

     "Sur ce point, je n’ai aucune explication à vous apporter," se résigna le Skeith.

     "C’est en effet bien curieux," intervint Illusen. "J’ai peut-être de nouvelles informations utiles à apporter pour nous aider à résoudre le mystère. L’analyse de l’échantillon de la matière brune est terminée. Dame Kayla, Sire Angus et leurs équipes ont travaillé très fort pour faire au plus vite. Les résultats semblent indiquer que sa composition consiste en… une mixture de matière organique, de micropolluants, de composés minéraux et de métaux lourds," lut-elle sur un parchemin qu’elle avait entre les mains.

     Le groupe de Neopets autour d’elle la dévisagèrent comme si elle parlait la langue de Geraptiku.

     "Qu’est-ce que cela signifie?" se risqua le curieux petit Korbat Fantôme.

     "Hmm, voyons voir… Cela proviendrait d’un dépotoir," lu finalement Illusen.

     "Et pourtant, la décharge de Meridell est plus en amont de la rivière," fit remarquer Muffin.

     "Les observations sur le terrain ne semblent pas correspondre aux résultats, effectivement. Peut-être devrions-nous explorer les environs pour essayer d’en déterminer la source exacte," proposa Persil.

     "Je vais chercher des gants et des bottes pour tout le monde, nous pourrons chercher en toute sécurité," ajouta le Grundo.

     Ils se mirent donc tous à chercher la provenance de la contamination. L’opacité de l’eau n’aidait guère leurs recherches. Éventuellement, le petit Korbat trouva un conduit caché parmi des broussailles décolorées. Le liquide qui s’en échappait avait une odeur particulièrement écœurante – le jeune Korbat était trop jeune et n’avait pas été affecté par la catastrophe lors de la Grande Guerre – il avait donc pu le repérer.

     Le conduit n’était pas enterré bien profondément. Ils écartèrent les hautes herbes et les fourrés pour le suivre jusqu’à son origine… la décharge de Meridell! Illusen était particulièrement en colère que le dépotoir de sa contrée déversât ses eaux de ruissellement directement dans la rivière qui alimentait en eau potable une majorité du Royaume. Quelle catastrophe cela aurait été si la substance avait atteint la ville!

     Le fermier Sid, en charge du dépotoir, avait bien peu d’information à offrir. Il émit l’hypothèse que la canalisation fut ancienne, mais qu’elle restait habituellement inutilisée. Les pluies diluviennes récentes auraient fait déborder le réservoir qui normalement suffisait à la tâche. Illusen et lui s’entendirent finalement pour que la ville vienne rapidement effectuer des travaux pour empêcher la pollution de la rivière.

     Illusen remercia chaleureusement Persil pour sa vigilance et sa détermination à trouver une solution rapidement.

     "Je crois, par contre, que tu devrais dire quelques mots à Jedder et les autres membres de son groupe, " lui intima-t-elle.

     "Effectivement," acquiesça Persil, tout embarrassé.

     Il se dirigea vers le Skeith et déclara : "Je suis vraiment désolé de mon attitude, plus tôt. Je vous ai mal jugés. J’ai été aveuglé par mes expériences précédentes et mes préjugés. Je n’aurais pas dû sauter aussi vite aux conclusions. J’espère que vous pourrez me pardonner."

     "J’apprécie ces excuses sincères. Je crois que les affres de la Grande Guerre ont laissé des traces profondes dans nos cœurs. Il est parfois ardu de laisser nos craintes infondées de côté et réellement juger de l’autre objectivement. Je te pardonne."

     Et Jedder invita Persil et Muffin à un festin qui aurait lieu le soir même, ce qu’ils acceptèrent avec joie.

     "Nous mangerons des cuisses de Mortogs!" ajouta-il.

     "Quoi?!" s’exclama Persil, interloqué.

     "C’est une blague, bien sûr," s’esclaffa Jedder.

     Fin.

 
Search the Neopian Times




Other Episodes


» La rivière empoisonnée - Partie 1



Week 966 Related Links


Other Stories




Submit your stories, articles, and comics using the new submission form.