La rivière empoisonnée - Partie 1 by petitehirondelline
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Persil était bien confortablement installé au pied d’un grand chêne. Le soleil brillait et la délicate brise effleurait doucement les poils de la fourrure noir et blanc du jeune Gelert à Pois en cette agréable journée de printemps. Il surveillait avec attention une petite colonie de Mortogs enjoués dans la rivière. Il devait s’assurer qu’aucun Arkmite n’accède à l’enclos et ne fasse un festin de ses petits protégés. Nanci, la commerçante tenant la boutique des Petpets d’Antan, près du château du Roi Skarl, lui avait fait promettre de lui ramener une demi-douzaine de ses Mortogs d’ici la fin de la semaine. Persil était fier de la qualité de ses Petpets. Il s’assurait qu’ils étaient en forme et en impeccable santé. Il se souciait de leur bien-être et ils ne devaient manquer de rien jusqu’à leur adoption. Persil s’affairait à remplir les trappes de Lightmites – leur mets favori – lorsqu’il refit le décompte de ses petites créatures, pour vérifier qu’elles étaient bien toutes présentes. Quelle ne fût pas sa consternation lorsqu’il constata qu’il manquait deux Mortogs! Le cœur battant, Persil souleva les pierres et les tas de broussailles qui leur servaient d’abris. Il découvrit les deux petites grenouilles blotties l’une contre l’autre dans un coin de l’enclos. Toutes les deux avaient un teint brun et terne. Avec un pincement au cœur, le Gelert les retira doucement mais promptement de l’enclos. Ces Mortogs étaient clairement malades et ne devaient pas contaminer le reste de la colonie. Il les déposa dans un enclos complètement séparé de l’autre, en quarantaine. En bon éleveur, Persil se mit à examiner les Mortogs malades, dans le but de déterminer ce qui n’allait pas. Il constata que les deux individus étaient dans un état de torpeur, ne réagissant à aucun stimulus. Ils étaient anormalement maigres, ne se nourrissant probablement plus depuis plusieurs jours. La couleur qu’il avait d’abord cru être la teinte de leur peau provenait en fait d’une substance collante qui adhérait à leur épiderme. Persil déduit qu’étant donné l’état avancé dans lequel ils se trouvaient, ces deux Mortogs ne survivraient malheureusement pas. Persil s’interrogea alors sur la provenance de la substance brune collante trouvée sur les Petpets. Il retourna dans le coin de l’enclos où il avait trouvé les Mortogs contaminés. Observant les abords de l’enclos il vit, flottant lentement à la surface de l’eau, la fameuse substance. Une bonne quantité s’était collée à la barrière nord ainsi que sur les branches, les plantes aquatiques et les cailloux qui agrémentaient l’enclos. Un nénufar complètement recouvert de la matière inconnue s’était fané puis avait coulé. De plus, une mince trainée provenant d’en amont de la rivière se dirigeait graduellement vers l’enclos de ses protégés! Persil réagit tout de suite pour sauver sa colonie. Il empoigna tous les seaux et chaudières à sa disposition, y déposant les Mortogs temporairement. Il enfila une bonne paire de gants pour se protéger puis retira les barrières de l’enclos des eaux de la rivière, qu’il considérait contaminées. Le choc et le stress engendré par le déménagement de ses Petpets pouvait être dangereux pour leur santé, mais il considérait qu’il n’avait pas le choix. Le vaillant Gelert, malgré les efforts et le temps considérable requis, relocalisa l’enclos plus en aval en utilisant des barrières propres. Estimant que le flot de la substance inconnue atteindrait le nouvel enclos dans les prochains jours, il entreprit d’en déterminer la cause et de le stopper. Non seulement il s’agissait d’une menace pour son élevage, mais si cette matière collante atteignait la ville plus en aval, elle pourrait contaminer les réserves d’eau potable de ses habitants. Il farfouilla parmi son équipement pour en extirper une petite fiole munie d’un bouchon étanche. Remontant la rivière jusqu’à l’emplacement initial de son enclos, toujours avec ses gants, il prit un échantillon du poison brunâtre. Persil se précipita ensuite en ville. Il craignait d’arriver trop tard pour faire analyser la substance, car le soleil était bien bas à l’horizon à présent. À bout de souffle, il poussa la porte de la boutique de l’apothicaire au moment où celui-ci s’apprêtait à verrouiller la porte. "J’ai besoin de votre aide, sire Angus!" s’écria-t-il en entrant, devant le regard ahuri d’un grand Grarrl rouge. "Que se passe-t-il, petit?" s’enquit Angus. "Il faudrait que vous analysiez ceci pour moi," déclara Persil, soulevant la petite fiole à la hauteur des yeux du Grarrl. Angus réfléchit un instant, observant le flacon que Persil lui tendait. Puis, pointant un cabaret sur un comptoir désordonné, entouré de nombreux béchers et erlenmeyers remplis de potions colorées, il grogna : "Hmm d’accord, insère-la dans ce support à éprouvettes sur le cabaret, je m’attaquerai à la tâche dem…" "C’est urgent, sire!" l’interrompit le Gelert. "Il me faut les résultats dès que possible!" "L’identification d’échantillons inconnus prend normalement plusieurs jours, voire plusieurs semaines, Persil. À elles seules, la purification et la séparation des composantes requièrent de nombreuses heures de centrifugation et de distillation," répliqua le Grarrl, quelque peu contrarié. "C’est pour cette raison qu’il faudrait commencer le processus dès maintenant! C’est de la plus haute importance!" "Écoute jeune Neopet, il est tard, j’ai travaillé sans relâche depuis le lever du soleil et je suis épuisé. J’analyserai cet échantillon lorsque je le pourrai. Maintenant, fais-moi le plaisir de sortir de ma boutique et repars t’occuper de tes grenouilles," lâcha Angus, en montrant la porte à Persil. Son regard catégorique et son ton bougon dissuada le jeune Gelert de protester. Il laissa la fiole sur le support qui lui avait été désigné puis sortit. Persil se retrouva dans la rue, en pleine nuit, seul, désespéré. "Je dois faire quelque chose. Mais comment? Je ne suis qu’un pauvre éleveur de Mortogs, on ne me prend pas au sérieux. Qui serait assez puissant et influant pour forcer l’étude de ce prélèvement… Qui aurait à cœur la protection de l’environnement…" Persil eut un bref moment de révélation : "Mais bien sûr!" s’exclama-t-il. Il se remit en route. Il traversa des bois qui étaient charmants de jour, mais qui devenaient étrangement sinistres à la tombée de la nuit. De nombreux craquements angoissants, des bruits de feuilles agitées et des hululements lugubres ne manquèrent pas de le faire sursauter à plusieurs reprises. Mais, malgré l’effroi et la fatigue qui le gagnaient, il poursuivit sa route. Le jeune Gelert, épuisé, déboucha finalement sur une clairière. Les rayons de lune doux et rassurants effleuraient un peu plus loin un coquet petit chalet. De jolis bosquets florissants et de majestueux pins encadraient la demeure. Persil gravit les quelques escaliers et cogna à la porte en bois avec un nœud au ventre. "Qu’adviendra-t-il si elle refuse?" s’interrogea-t-il silencieusement. En s’ouvrant, la porte laissa un agréable de parfum fleuri s’échapper de la demeure. Une grande Fée de la Terre l’examina. "Oui? souffla-t-elle. Il est bien tard pour se promener dans les bois. Que me vaut ta visite?" Sa voix cristalline sonnait comme le murmure d’un ruisseau et le gazouillis de mésanges. Toutes les appréhensions de Persil disparurent instantanément et son cœur en fut plus léger. Il s’empressa de raconter sa découverte à Illusen. Il n’eut nul besoin de lui expliquer l’urgence de la situation. Immédiatement, la Fée prit la situation en main : "Viens avec moi. Nous allons trouver le moyen d’analyser cet échantillon." Elle sortit, guidant Persil vers une petite étable cachée dans l’ombre d’un des grands pins. À l’intérieur se trouvaient quatre gigantesques Whinnys, prêts à chevaucher. "Ces bêtes sont surdimensionnées! D’où viennent-elles?" s’exclama Persil. "Oh, elles ont été élevées ici à Meridell. Simplement, elles ont eu un petit coup de main… magique," confia Illusen en adressant un clin d’œil au Gelert bouche bée. "Elles nous aideront à atteindre le château du Roi dès que possible." "Le château du Roi?!" s’étonna Persil. "Oui. Nous y trouverons toutes les ressources nécessaires non seulement pour identifier la substance inconnue que tu as trouvée, mais aussi pour investiguer sa cause, en attendant les résultats d’analyse." Montant chacun un destrier, ils s’élancèrent tous deux à bride abattue vers le château. Ils l’atteignirent rapidement. La Fée était manifestement une habituée de l’endroit. Elle sut instantanément à quelle porte frapper et qui réveiller pour obtenir de l’aide. Elle s’adressa directement à la fabuleuse alchimiste Kayla pour l’accès à son laboratoire. Celle-ci acquiesça avec enthousiasme à toutes les demandes d’Illusen et rendit tout son matériel ainsi que ses apprentis et aides-alchimistes disponibles pour coopérer à l’étude du poison. La Fée se rendit ensuite à la maison de Angus. Celui-ci, époustouflé par une telle visite, ne put que consentir à ses requêtes. Il lui fit cependant part d’un léger bémol. "Loin de moi l’idée de vous contredire, mais mes ressources me semblent bien pauvres pour mener à bien dans un délai raisonnable la tâche qu’on m’assigne," observa Angus. "Oh, mais vous aurez tout le matériel et toute l’assistance nécessaire, puisque vous travaillerez dans les laboratoires de Dame Kayla, au château," lui annonça Illusen. "Les laboratoires de Dame Kayla!" s’extasia l’apothicaire, des étoiles dans les yeux. "Je vais chercher l’échantillon immédiatement." La nuit était déjà bien avancée lorsqu’Illusen reconduit Persil chez lui. "Je crois que tu as grandement besoin de prendre un peu de repos maintenant. Malgré toutes les ressources mis à disposition de Sire Angus, la substance inconnue restera un mystère pendant plusieurs heures encore. En attendant, il faudra enquêter sur l’origine du poison directement sur le terrain. Je t’enverrai quelqu’un pour t’accompagner dans cette mission demain," expliqua la Fée. "Mais ne pourriez-vous pas m’accompagner vous-mêmes?" questionna le jeune Gelert. "Hélas, on m’appelle ailleurs pour l’instant. Nous nous reverrons à nouveau bientôt. D’ici-là ne t’inquiète pas, je suis sûre que mon amie saura t’assister adéquatement. Je te souhaite une bonne nuit!" Sur ce, elle repartit promptement avec ses deux Whinnys, filant sur la route de terre battue. Persil la suivit des yeux un instant, puis réalisa à quel point il était exténué. Il avait travaillé si dur que tous ses membres lui étaient douloureux. Il s’écroula sur son lit moelleux et s’endormit aussitôt. To be continued…
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